« Pourquoi lire ? » de Charles Dantzig paru chez Grasset
J’ai apprécié l’ouvrage, sa configuration par chapitre – dans le genre lire pour ceci, lire pour cela, lire ici ou là, lire ainsi etc. – de même que le style grâce auquel il est facile et agréable de suivre cet essai, ainsi que d’adhérer à certaines idées qui y sont développées, mais vers la fin, j’avoue que je me suis un peu lassée, car je pense que Dantzig met un peu trop en avant son élitisme littéraire, montrant bien par là qu’il nage au-dessus du commun des mortels, que ses goûts de lecture sont meilleurs que ceux du simple néophyte et qu’il en sait beaucoup plus long que la plupart des ignares que nous sommes.
Toutefois, je retiens certaines phrases de son ouvrage (et par là même, selon ses dires, je fais vivre ses écrits) qui sont bien tournées et confortent mon opinion sur le fait que la littérature nous aide à nous connaître grâce au processus d’analogie avec les protagonistes d’un récit.
« La littérature, et en particulier la fiction, est une forme d’analogie. Ou plus précisément, une des formes de compréhension par l’analogie. Ou plus précisément, une des formes de compréhension par l’analogie qui agit sur les sentiments en plus de l’intelligence. Analogie, sentiment. Voilà qui est différent de cet autre mode de compréhension qu’est la philosophie, et qui elle, s’appuie sur l’analyse et l’intellect. »
Et même si Dantzig clame haut et fort qu’il n’adhère pas à la phrase de Montesquieu qui disait « Je n’ai jamais eu de chagrin qu’une heure de lecture n’ait dissipé », il n’aborde que partiellement le thème du « lire pour guérir ». Toutefois, certaines phrases laissent clairement sous-entendre qu’il partage l’idée selon laquelle la lecture fait du bien d’une façon ou d’une autre, car elle permet notamment de :
– mettre de l’ordre dans le chaos de notre vie « Tout livre, même de fiction, est un essai, dans la mesure où il cherche à avoir une forme. Dans l’informe de la vie, il prend, rejette et classe, et c’est cette formalisation qui apporte du sens. Le lecteur, face au flasque, lit pour deviner les formes multiples du monde » (p74)
– se conforter dans le fait qu’on n’est pas seul à être moche, bête et méchant « On lit pour voir chez les autres les défauts que nous nous cachons à nous-mêmes » (p81)
– tenter de se connaître et de connaître les autres « On lit pour comprendre le monde, on lit pour se comprendre soi-même » (p24)
– de mettre des mots sur des sentiments difficiles à saisir ou à exprimer « Nous choisissons, dans nos lectures, les vêtements de nos sensations, les paroles de nos bouches muettes, l’éloquence de nos pensées borborygmiques » (p31)
Alors permettez aussi, cher auteur, que chaque lecteur puisse choisir le livre qui lui convient le mieux si celui-ci lui apporte le petit plus qui manque à son existence. Et si « A la recherche du temps perdu » de Marcel Proust se révèle effectivement être du temps perdu pour celui qui a envie de s’évader du quotidien de façon plus légère et plus facile, je ne pense pas qu’un bon polar lui soit particulièrement nocif. Bien au contraire !