Archives de Catégorie: Thème du SENTIMENT D’INJUSTICE

Certains livres nous aident à recouvrir l’estime de soi

Danser la vie sous toutes ses formes…

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« La salle de bal » de Anna Hope

Traduction par Elodie Leplat – Editions Gallimard (2017) – Editions Folio (2019)

Je me suis plongée dans ce petit bijou littéraire qui remporta le Grand Prix des Lectrices de Elle en 2018. Le souffle romanesque, le cadre historique et l’écriture subtile en font une lecture à la fois captivante et lumineuse.

Résumé de « La salle de bal »

L’histoire se déroule en 1911 au sein de l’asile psychiatrique de Sharston situé dans le Yorkshire (Angleterre). Tous les gens qu’on enferme dans cet asile sont loin d’être des « aliénés mentaux » au sens où nous l’entendons à l’heure actuelle.  La jeune Ella y est internée pour avoir brisé une vitre de la filature où elle travaillait depuis de longues années. Dans la partie réservée aux hommes se trouve John, taxé de « mélancolique » après avoir subi un traumatisme familial. D’autres encore sont là pour diverses raisons, mais dans la plupart des cas, ils sont en pleine possession de leurs facultés mentales.

Charles Fuller a obtenu un poste dans cet asile et y exerce des fonctions de médecin adjoint. A sa grande joie, il a également été nommé chef d’orchestre au sein de l’institut. Tous les vendredis, un bal est organisé dans une grande salle de l’asile où femmes et hommes se retrouvent pour danser au rythme de la musique. Charles considère que la musique ressemble à une « prescription médicale » et prend à coeur son rôle de chef d’orchestre.

« J’ai tendance à préférer Mozart pour les épileptiques. Ou Bach. Les patients semblent apprécier l’ordre que cette musique leur procure et, ensuite… Chopin, Schubert, les Impromptus – pour… ma foi, pour leur… beauté, j’imagine »

Toutefois, le Dr Fuller est également sensibilisé et attiré par les théories de l’eugénisme qui sont en vogue à l’époque, aussi bien dans le monde médical que politique. Ces idées, renforcées par des aspirations ambitieuses personnelles et une certaine amertume, auront de fâcheuses répercussions sur certains patients, notamment Ella et John qui ont noué réciproquement des sentiments amoureux lors de leurs rencontres hebdomadaires dans la salle de bal.

 

Personnages sous l’emprise des idées de leur époque

Le récit alterne selon trois perspectives, celle de Ella, celle de John et celle de Charles (le docteur).

Ella et son amitié pour Clem :

Dans la partie réservée aux femmes, Ella se prend d’amitié pour Clem, une internée issue d’un milieu aisé et qui adore la lecture dans laquelle elle se réfugie littéralement.

« Une fois plongée dans sa lecture, Clem ne relevait jamais la tête : elle disparaissait de manière aussi définitive que si un trou s’était matérialisé et qu’elle s’y était faufilée, et en l’observant, Ella se disait qu’elle aussi aurait bien aimé disparaître. A défaut elle lisait le visage de Clem, en s’imaginant qu’il était possible de deviner la teneur de l’histoire comme ça, à la façon dont Clem se mordillait le bout des ongles ou la peau autour. A sa façon de tourner vite les pages ou de ralentir, les yeux agités d’un mouvement craintif, presque comme si elle ne voulait pas arriver à la fin. »

Or si l’analphabétisme de Ella est un obstacle dans sa relation amoureuse, la passion que Clem dévoile pour les livres lui attire de grosses complications, car elle dérange le docteur qui déclare :

« Contrairement à la musique, il a été démontré que la lecture pratiquée avec excès était dangereuse pour l’esprit féminin. Cela nous a été enseigné lors de nos tout premiers cours magistraux : les cellules masculines sont essentiellement cataboliques – actives et énergiques – tandis que les cellules féminines sont anaboliques – destinées à conserver l’énergie et soutenir la vie. Si un peu de lecture légère ne porte pas à conséquence, en revanche une dépression nerveuse s’ensuit quand la femme va à l’encontre de sa nature. »

Ces déclarations misogynes, hélas en phase avec certaines pensées de l’époque, auront des conséquences désastreuses sur Clem lorsque celle-ci se verra privée de ses livres.

 

John Mulligan :

John est un bel Irlandais qui attire l’attention du docteur d’une façon qui trouble ce dernier.

C’est grâce à sa rencontre avec Ella que John sortira de sa torpeur mélancolique. Les lettres qu’il adresse à sa bien-aimée nous le révèlent comme un être sensible et touchant.

 

Charles :

La romance entre Ella et John place le docteur Fuller et ses idées tordues dans la partie ombragée de l’histoire. L’auteure Anna Hope parvient toutefois à éviter tout manichéisme en faisant ressortir le côté tragique du personnage emprisonné dans des émotions qu’il ne maîtrise pas et qui le conduiront à adopter les idées eugéniques de son époque.

Docteur pour « aliénés mentaux » qui ne le sont pas, Charles se révèle lui-même comme un « aliéné » en société.

Séduit par les théories eugéniques (dont la stérilisation des indigents en devenait un instrument), Charles tente d’améliorer cette société en voulant les mettre à l’oeuvre au sein de l’asile. Son cheminement, bien que funeste et critiquable, suit une logique en phase avec les idées de Sir Francis Galton, cousin de Charles Darwin.

Ambitieux, Charles souhaite ainsi se faire remarquer par les grands de l’époque qui les cautionnent (parmi lesquels Winston Churchill).

 

Rôle lumineux de la nature

La nature détient le rôle primordial de l’espoir dans cette histoire. La nature illumine les coins sombres de l’asile. En lisant ce roman, on a envie de sortir hors de l’enceinte anxiogène de l’asile et de respirer une grande bouffée d’air frais.

[John] « Il se mit à remarquer les choses plus en détail : l’éclat des feuilles nouvelles du vieux chêne, la façon dont les hirondelles voletaient dans le soleil, plus sûres maintenant, comme si elles s’en glorifiaient, le jabot scintillant tel de l’argent lorsqu’elles tournoyaient, serpentin de lumière.
Il ne semblait pas juste qu’il pût voir ces choses alors qu’elle, et les autres femmes, non.
Ainsi donc il se mit à emmagasiner les images qu’il voyait de façon à avoir quelque chose à lui dire le vendredi, dans la salle de bal, quelque chose qu’il déroberait au monde lumineux pour l’introduire discrètement dans les couloirs obscurs. »

Roman bienfaisant ?

Anna Hope, actrice et écrivaine anglaise, s’est inspirée de son histoire familiale (son arrière-grand-père avait été interné dans un asile britannique), ainsi que de la Grande Histoire pour dérouler le fil de ce récit puissant et aux accents dramatiques bien agencés. L’enfermement des indigents et pauvres gens dans les asiles, ainsi que les principes de l’eugénisme tels qu’ils étaient en vogue au début du XXe siècle nous sont expliqués par le biais du docteur Fuller et suscitent notre réflexion. Le dénouement du récit contredira ici les théories suivies par Charles.

Hélas, les germes de ces idées – générées en partie, une fois de plus, par la peur de la différence – se retrouveront imbriqués dans les ressorts funestes de la grande tragédie humaine qui surviendra quelques années plus tard en Europe…

P.S. N’oublions pas que notre société contemporaine n’est pas non plus étrangère à ce débat, où la morale se heurte souvent aux moyens utilisés pour parvenir à une « humanité mieux adaptée et donc plus heureuse ».

 

« La salle de bal » de Anna Hope est un roman bienfaisant parce qu’il nous fait réfléchir sur des questions ou idées dont il faut coûte que coûte éviter les fâcheuses dérives. Mais le récit donne aussi du baume au coeur parce qu’il met en évidence le côté lumineux des sentiments amoureux, de l’amitié et de l’espoir, dont la nature représente ici la métaphore par excellence.

Avoir effleuré le Mal

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« La goûteuse d’Hitler » de Rosella Postorino

Editions Albin Michel, 2019 – traduction par Dominique Vittoz

 

« Lorsque j’étais quelqu’un d’autre » de Stéphane Allix

Mamaéditions, 2017

 

I. Seconde guerre mondiale : récits de part et … d’autre

Difficile et compliqué de se mettre réellement à la place de nos aînés qui ont survécu à ces horribles années de guerre, que ce soit du côté des victimes de la Shoah et des Alliés, mais aussi du côté des Allemands.

La littérature nous aide d’une certaine manière à ressentir les émotions et à partager les expériences des gens de l’époque, car elle abonde en romans sur la seconde guerre mondiale, soulignant les épreuves et les tragédies des uns et des autres.

Toutefois, il a fallu attendre plus longtemps pour trouver dans les librairies des romans relatant la façon dont les Allemands ont eux-mêmes vécu cette période et les raisons pour lesquelles ils ont ou non adhéré aux visions de leur Führer.

A ce propos, un ouvrage historique a été publié en français en 2017 aux éditions La Librairie Vuibert  : « La Guerre allemande : Portrait d’un peuple en guerre 1939-1945 » de  Nicolas Stargardt, traduit par Pierre-Emmanuel Dauzat et Aude de Saint-Loup 

 
et sur lequel l’historien et professeur Nicolas Charles a rédigé un article intéressant.

 

II. Deux récits qui parlent d’expériences allemandes

J’ai lu cette année deux récits qui évoquent cette triste période au travers des expériences « allemandes » :

« La goûteuse d’Hitler » de Rosella Postorino

Couronné par le prix Campiello en Italie, ce roman raconte le vécu d’un groupe de jeunes Allemandes recrutées de force en Prusse orientale comme « goûteuses » des repas d’Hitler afin d’éviter un éventuel empoisonnement de celui-ci. Le récit est narré par l’une de ces goûteuses, Rosa, considérée comme une « étrangère » parce qu’elle vient de Berlin et qui aura du mal à s’intégrer à ce groupe de femmes dont certaines sont prêtes à se sacrifier pour leur Führer.

L’auteure italienne s’est inspirée de l’histoire vraie de Margot Wölk, seule goûteuse survivante après la victoire des alliés, mais qui se garda de révéler la fonction à laquelle elle avait été astreinte de force durant plus de deux années.

Elle conserva ce secret jusqu’à ses 95 ans en 2013, lorsqu’elle le divulgue aux médias. Voici une courte interview sur France Info à ce sujet.

Rosella Postorino regrette de n’avoir pas eu l’occasion de parler avec cette femme (qui mourut en 2014) dont elle dresse un portrait entre réalité et fiction dans son très beau roman « La goûteuse d’Hitler ».

 

« Lorsque j’étais quelqu’un d’autre » de Stéphane Allix

Stéphane Allix est un grand reporter de guerre et journaliste d’investigation. Lors d’une retraite au Pérou en Amazonie, il fait un rêve éveillé et se voit de façon surprenante dans la peau d’un soldat SS succombant à ses blessures lors de la seconde guerre mondiale. Débute alors pour l’auteur une enquête pour découvrir d’où lui vient ce rêve et qui est ce personnage du passé avec lequel il a ressenti une troublante connexion.

Au fil de son enquête qu’il nous relate dans son récit, et qui devient par la même occasion une enquête sur lui-même, Stéphane Allix découvre que les détails de son rêve se sont avérés réels et authentiques. Il parvient à redessiner les contours de la personnalité de cet officier allemand et décrit le cheminement qui a peu à peu entraîné cet être « normal » sur la voie de l’ombre.

III. Les atouts de ces deux romans

Outre le suspense bien soutenu dans ces deux romans et outre une plume qui de part et d’autre captive l’attention du lecteur, ces deux romans ont le mérite de susciter une réflexion sur les comportements humains au coeur de situations extrêmes.

Et nous, qu’aurions-nous fait à leur place ?

« La capacité d’adaptation est la principale ressource des êtres humains, mais plus je m’adaptais et moins je me sentais humaine. » nous confie la narratrice de « La goûteuse d’Hitler » qui dit aussi :

« Ma colère contre Hitler était personnelle. Il m avait privée de mon mari et chaque jour je risquais ma vie pour lui. Mon existence était entre ses mains, voilà ce que je détestais. Hitler me nourrissait, et cette nourriture pouvait me tuer. »

et Stéphane Allix est d’avis que

« L’ombre, c’est la peur de perdre nos richesses, notre confort. C’est la facilité avec laquelle on s’accommode des souffrances de ceux qui sont loin, en fermant les yeux. L’ombre, ce sont les discours de haine et de repli, la croyance que si on s’enferme on se protège, et ça ira mieux. Qu’être réaliste, c’est ne penser qu’à soi, être égoïste en ayant bonne conscience. »

IV. Romans bienfaisants

Vous avez remarqué aussi que les auteurs de ces deux romans vivent maintenant et n’ont donc pas connu les affres de la seconde guerre mondiale. Pourtant ils ont réussi à nous transporter dans cette époque et à nous éclairer sur les attitudes des uns et des autres sans pour autant les juger.

Dans sa réflexion, Stéphane Allix questionne le thème de la réincarnation et dit :

« La guérison des vivants guérit les morts. La lumière a besoin de l’obscurité pour être perçue. S’il n’y a pas d’obscurité, on ne peut voir la lumière. »

« Toi comme moi, comme les autres humains, nous sommes seulement les costumes que des continuums de conscience endossent le temps d’un passage terrestre bien court. »

et il remet également en question notre façon d’aborder le monde ….

« Nous vivons dans une société à l’esprit très, très réduit et où seul un cheminement personnel permet à certains de découvrir une réalité plus vaste. Ce questionnement, qui conduit à remettre en question une vision du monde acquise depuis l’enfance, est provoqué en général par un « accident ». Un événement inattendu de la vie qui rend soudain insatisfaisant le modèle dans lequel l’existence coulait tout simplement jusqu’alors. […]. Se poser des questions, c’est prendre le risque d’avoir des réponses. Et ces réponses sont susceptibles de nous conduire parfois à remettre en question notre façon de vivre. Aussi la plupart des gens s’abstiennent de le faire. […]. Nous sommes des êtres craintifs, effrayés par la liberté. »

Rosella Postorino, quant  à elle, nous parle des souffrances subies par une partie du peuple allemand, bien souvent les femmes, et nous éclaire sur une réalité dont nous n’avions peut-être pas vraiment conscience… Son roman élargit notre champ de connaissances, et de ce fait, notre capacité à appréhender une réalité beaucoup plus vaste et complexe.

Il s’agit bien ici de deux romans bienfaisants qui déclenchent les rouages de notre empathie….

Bandes dessinées pour remonter le moral

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Les gens honnêtes de Durieux et Gibrat

« Les gens honnêtes »

de Christian Durieux et Jean-Pierre Gibrat

(Editions Dupuis, 2014-2016)

Les quatre tomes « Les gens honnêtes » m’ont tout particulièrement touchée, alors qu’habituellement, il faut l’avouer, je ne suis pas très friande de bandes dessinées. La mixité du texte et de l’image n’est pourtant pas pour me déplaire lorsque les personnages et leur démêlés se montrent attachants. Cette situation s’est précisément présentée à moi lors de la lecture de cette BD en quatre tomes.

Sur une note douce-amère, le récit en images nous entraîne dans les pérégrinations d’un quinquagénaire qui vient de perdre son emploi et se voit incapable de remonter la pente, d’autant plus que son épouse l’a quitté. Au fond du trou, il (re)découvre le monde qui l’entoure et puise ses forces dans l’amour et l’amitié. Si le premier tome nous la joue sur une note plus amère que douce, malgré de constantes touches d’humour, les trois autres tomes gagnent en optimisme. Le protagoniste reprend vaille que vaille son destin en main et la vie continue avec ses hauts et ses bas .

Une bande dessinée bienfaisante ?

L’humanité de Philippe, le protagoniste du récit, est au coeur même de ce récit tragi-comique. Le lecteur peut facilement s’identifier à ce personnage qui doit faire face à des problèmes privés et professionnels assez similaires à ceux d’un bon nombre de quinquas : retrouver un emploi après 50 ans, supporter les difficultés rencontrées par ses enfants adolescents, gérer sa propre situation amoureuse, s’occuper de ses parents vieillissants…

Bien entendu, certaines situations peuvent sembler rocambolesques, mais lorsque la dernière page est tournée, nous avons l’impression d’avoir cheminé longtemps avec Philippe au travers de déboires et de moments de bonheur tout à fait réalistes.

L’humour, remède miracle

Les touches d’humour pleuvent tout au long du récit et nous attendrissent sur le miroir des petits et grands tracas du quotidien. Le protagoniste boit aux sources de l’amour et de l’amitié qui lui tendent des perches pour se relever…

Même si ces perches ne sont pas toujours hum hum les plus adéquates ….  🙂 n’est-ce pas ?

Extrait du tome 2 « Les gens honnêtes »

Bande dessinée – littérature ?

La bande dessinée a l’avantage de toucher un large public. Les écrits, plus courts, sont facilement compréhensibles parce que supportés par des images. Textes et images captent plus vite l’attention du lecteur dont les yeux parcourent rapidement la page et s’accrochent facilement sur le fil d’un récit.

Or ces caractéristiques donnent souvent lieu aux préjugés que tente de définir Jacques Dürrenmatt dans son ouvrage « Bande dessinée et littérature » paru aux Editions Classiques Garnier en 2013

Selon l’auteur, les a priori fustigeant la bande dessinée reposent sur quatre points  : 1) ce genre littéraire se lirait trop rapidement 2) les descriptions relèveraient uniquement des images plutôt que du texte 3) le texte serait appauvri au profit d’une surenchère d’onomatopées et de signes expressifs comme les points d’exclamation etc. 4) la bande dessinée serait incapable de retranscrire les émotions des personnages.

Prenons ces points l’un après l’autre au regard de la bande dessinée de Durieux et Gibrat.

Lecture rapide :

Lire rapidement une histoire ne constitue pas vraiment un inconvénient ou un défaut de qualité. Au contraire, savoir qu’il ne faudra pas se concentrer plus de deux heures peut inciter celui qui ne veut pas y accorder trop de temps, à se plonger malgré tout dans le récit.

Quant aux bandes dessinées de Durieux et Gibrat, la lecture d’un ou deux tomes enjolivera facilement toute une soirée et redonnera du baume à l’âme au lecteur épuisé par ses soucis du quotidien.

Descriptions par l’image et non par le texte :

Certes, les images prennent une place très importante dans les bandes dessinées, mais c’est leur agencement qui en font des images vivantes et captivantes et c’est le texte ou l’absence de texte qui les colore et souligne leur qualité descriptive.

Les images des bandes dessinées de Durieux et Gibrat dépeignent avec justesse l’émotion que veut nous communiquer leurs auteurs. Mais c’est avant tout le texte qui nous permet de percevoir l’ampleur de ces émotions.

Texte apprauvri par un trop-plein d’onomatopées et de signes expressifs

La BD recourt à ces moyens d’expression sonore pour éviter les petites formules qui lient les phrases d’un texte que sont par exemple : « il s’écria », « gémit-il », « la voiture vrombit »… Les images constituent le support par lequel les parties du récit sont reliées entre elles. Les sons qui les ponctuent rendent ces images plus réalistes et vivantes.

La bande dessinée se définit comme un heureux mariage entre images et textes. Grâce aux images, le texte n’est pas appauvri, il devient simplement plus minimaliste. Un simple mot suffit à faire rire, ce qui serait plus difficile sans images.

La plupart des bandes dessinées revendiquent cette qualité, celles de Durieux et Gibrat ne font pas exception.

Incapable de retranscrire les émotions des personnages

S’il existe une époque qui se caractérise par une surabondance d’images, c’est bien la nôtre. Les multiples appareils de communication à notre disposition rivalisent de petites icones pour communiquer un sentiment ou une pensée. Les smileys envahissent la majorité de nos courriels pour transmettre en quelques clics l’émotion qui nous submerge. Alors que dire des dessins représentés avec art par les auteurs de bandes dessinées ?

En tous cas, les bandes dessinées de Durieux et Gibrat ne m’ont pas laissée indifférente et le partage d’émotions était bien présent en lisant les quatre tomes.

Conclusion

La bande dessinée constitue un genre littéraire particulier qui traduit des sentiments via ses propres canaux. Tout comme le roman, elle dispose d’atouts pour inviter le lecteur à adopter une perspective différente face à certaines difficultés, voire pour comprendre une situation donnée et/ou se sentir moins seul(e).

Certes, son abord peut apparaître plus aisé que celui d’un roman. Cela n’en fait pas pour autant un genre littéraire de moindre valeur.

En outre, une bande dessinée peut également se présenter comme une lecture bienfaisante, à condition toutefois qu’elle remplisse les mêmes conditions qu’un roman bienfaisant pour le lecteur qui doit pouvoir y trouver les outils nécessaires pour surmonter les aléas de son existence…

Bonnes lectures à toutes et tous !

Tout commence avec un orage….

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Agnès Ledig On regrettera plus tard - roman bienfaisant

« On regrettera plus tard« 

Agnès Ledig

Albin Michel 2016 – Pocket 2017 –  Audiolib 2017

Le destin se sert d’une nuit d’orage pour bouleverser la vie des protagonistes de ce récit. D’un côté, il y a Eric qui voyage avec sa fillette Anna Nina dans une roulotte au gré des chemins et des saisons, fuyant ainsi un passé tragique. D’un autre côté, Valentine, enseignante célibataire, mène une vie très active soutenue par deux fidèles amis, mais elle est incapable de s’attacher amoureusement à un homme sur la durée.

La rencontre inopinée d’Eric et de Valentine les oblige à revoir leurs engagements personnels et à se remettre profondément en question. Les personnages qui gravitent autour d’eux sont empreints d’une sincère bienveillance qui les rend tous attachants.

L’auteur Agnès Ledig est une romancière et sage-femme française qui a pris la plume la première fois en 2005 pour raconter le quotidien de son fils atteint de leucémie. Son écriture comme exutoire à sa douleur deviendra par la suite un baume d’espoir pour les lecteurs en quête de récits bienfaisants.

« On regrettera plus tard » fait partie de ces romans à valeur bienfaisante.

La réalité de chaque protagoniste est décrite avec intelligence et empathie. Les blessures du passé font obstacle au présent et paralysent toute joie future pour celles et ceux qui se laissent envahir par le poids de leur injustice. Or il faut parfois accepter d’être dérangé ou bousculé dans sa douleur pour dissiper le voile et entrevoir un avenir plus heureux.

Je vous invite à écouter Agnès Ledig qui parle de son roman et de l’espoir qu’elle souhaite y distiller. Pari gagné !

 

Autobiographies qui font réfléchir

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« Le Son du Silence » de H.J. Lim

(Albin Michel, 2016 et Le Livre de Poche, 2018)

« Le Journal de Myriam » de Myriam Rawick

(Fayard, 2017 et Le Livre de Poche, 2018)

 

Cette année, j’ai la chance de participer au jury du prix des lecteurs du Livre de Poche dans une toute nouvelle catégorie, celle des « Documents et Essais ».

Parmi les 7 ouvrages sélectionnés, deux témoignages ont retenu mon attention parce qu’ils racontent le parcours difficile et atypique de jeunes adolescentes de notre époque.

« Le son du silence » relate à la première personne le destin d’une enfant prodige sud-coréenne qui quitte ses parents et son pays à l’âge de douze ans pour poursuivre ses études de piano en France. Lorsqu’elle s’envole depuis l’aéroport de Séoul en 1999, elle ne parle pas un mot de français. Elle devra surmonter épreuves, humiliations et jalousies avant d’obtenir enfin la reconnaissance internationale de son talent musical. Elle fera aussi de belles rencontres et se laissera guider et inspirer par la spiritualité du bouddhisme.

« Le journal de Myriam » est celui d’une enfant vivant en Syrie, à Alep entre 2011 et 2017. Myriam a sept ans en 2012 lorsque débutent les premiers tirs, puis les bombes, les restrictions, les départs forcés, la disparition d’êtres chers. Au fil des semaines et des mois, Myriam raconte le quotidien de sa famille obligée de vivre sous le joug de la peur et le poids des restrictions.

 

De ces deux ouvrages et des voix qui les portent émane pourtant une force sereine puisée soit dans les petits gestes du quotidien pour Myriam, soit dans l’inébranlable foi en la puissance de la musique pour Lim.

L’injustice dont elles souffrent chacune à titre différent ne leur enlèvera pas leur générosité, car elles n’hésitent pas à venir en aide à ceux qui en subissent encore davantage les outrances.

De leur ouvrage respectif se manifeste une puissante volonté d’utiliser les mots pour témoigner de leur destin.

Romans bienfaisants ?

Bien que racontant des parcours très différents, ces ouvrages autobiographiques représentent tous deux une belle leçon de vie et de courage !

  • Pour Lim, la persévérance et le courage de s’approprier son destin malgré l’exil qui en découle et les nombreuses difficultés  
  • Pour Myriam, la grande capacité de résilience et le courage de faire face au sort tragique et inexorable issu des affres de la guerre 

 

 

 

 

Le « silence » peut tuer

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« Majda en août »

Samira Sedira

Editions du Rouergue (2016)

 

Majda est la seule fille au sein d’une famille maghrébine qui compte plusieurs garçons. Ses capacités intellectuelles lui promettent un bel avenir, mais au seuil de l’adolescence, certains amis de l’aîné de ses frères lui font subir un traumatisme que sa famille jugera bon de dissimuler sous silence.

Le poids de ce silence et de ces non-dits auront raison de l’état mental et psychique de Majda. A l’âge de 45 ans, elle se réfugie chez ses parents et remonte le fil de ses souvenirs.

Roman bienfaisant ?

Ce roman fait partie des six finalistes du Prix Horizon du deuxième roman organisé par la ville de Marche-en-Famenne (Belgique) et présidé par l’écrivain Armel Job.

Pour ma part, j’ai beaucoup apprécié « Majda en août », car le roman dégage une puissance évocatrice ancrée dans une réalité qui se rencontre dans tous les milieux, à commencer par le milieu familial.

Le style succinct, et peut-être expressément froid – malgré la chaleur du mois d’août ! –  de ce roman contribue à démontrer tout ce que le silence peut engendrer comme malheur, surtout au sein d’une famille. Les non-dits et le fait de ne pas reconnaître une personne en tant que victime constituent une sérieuse entrave à sa guérison et à un espoir d’épanouissement futur.

Alors roman bienfaisant ? Oui oui grâce aux réflexions qu’il suscite. La fin ne laisse pas indifférent, au contraire, elle contrarie le lecteur, et c’est tant mieux.

Car cette contrariété est peu de chose face à celle que doit éprouver Majda…

Majda a acquis un don d’empathie qui l’a incitée à exercer une activité sociale. Elle retrouve dans les livres l’écho de son malheur :

« Majda avait un don absolu pour comprendre le malheur, et cela dès l’adolescence. Les livres qu’elle dévorait fourmillaient d’histoires malheureuses. Il y avait toujours, dans un livre, l’évocation de sa propre histoire, la preuve que l’humanité partage les mêmes maux, la même désolation, la même impuissance à consoler ses peines. Il y avait toujours dans un livre, un mot, une phrase, quelque chose qui la réconciliait avec cette impuissance.« 

 

 

« La Tresse » de vos chroniques littéraires

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« La tresse » de Laetitia Colombani

Editions Grasset (2017)

Trois femmes (une « Intouchable » d’Inde, une ouvrière d’Italie et une femme d’affaires du Canada), trois destinées très différentes, trois séries de chapitres qui s’entrecroisent pour aboutir à ce beau roman où, à force de lutter et de persévérer, ces trois femmes vont sans le savoir tisser une tresse qui liera leur destin respectif.

Roman plein d’optimisme dans lequel l’énergie véhiculée par le devenir de ces femmes se transmet par delà le texte à une grande partie du lectorat qui salue l’écriture fluide et agréable de Laetitia Colombani.

Ce récit peut être considéré comme roman bienfaisantcar il transmet une lueur d’espoir et de fraternité tout en racontant l’injustice qui perdure dans nos sociétés et en évoquant la thématique de la différence sociale et culturelle.

Une idée m’est passée par la tête à la lecture de ce roman et de son titre si bien choisi : tresser  un fil entre les nombreuses chroniques relevées sur les blogs WordPress. Car il faut bien le reconnaître, beaucoup d’articles ont été publiés sur ce premier roman de Laetitia Colombani.

J’y ai noté des commentaires très positifs, des avis plus nuancés et quelques points de vue négatifs. Beaucoup de  lectrices (lecteurs?) sont tombées sous le charme de ce roman, d’autres ont trouvé qu’il était un bon roman à lire pour l’été, mais sans plus. Certain(e)s ont mis en évidence une préférence pour une histoire plutôt qu’une autre. Certain(e)s ont trouvé que la psychologie des personnages manquait de profondeur. D’autres encore ont souligné l’optimisme qui se reflète à travers ce récit. Plusieurs ont également souligné le caractère « féministe » de ce récit, caractère par ailleurs réfuté par d’autres lectrices/lecteurs.

Cette multitude d’avis reflète ce que j’ai toujours pensé : il n’existe pas de lecture universelle qui sera perçue de manière identique par tous les lecteurs. Qui plus est, une lecture peut plaire et déplaire à la même personne selon le moment où elle pénètre dans la vie de cette personne.

Quoi qu’il en soit, l’expérience m’a plu et je souhaite mentionner ci-après les liens vers ces divers articles.

 

Des bulles et des mots             /&/&/&/            Brize                    /&/&/&/        La tête en claire

My pretty books      /&/&/&/      Petit pingouin vert

L’ourse bibliophile      /&/&/&/            Pause Earl Grey                /&/&/&/       Mon rêve d’été

Les lectures de Caro      /&/&/&/    Mes échappées livresques

Chronicroqueuse de livres      /&/&/&/        Marie lit en pyjama        /&/&/&/        A livre ouvert

Les tribulations d’une accro à la lecture                 /&/&/&/               Popcorn and Gibberish

Madame Ourse         /&/&/&/           Anouklibrary        /&/&/&/        The Eden of books

Tribulations d’une quinqua                /&/&/&/                              Agathe the book

A la page des livres     /&/&/&/     Lutin rêveur       /&/&/&/     A touch of blue…Marine

Au bordel culturel                  /&/&/&/            La Voleuse de Marque-Pages

Girl kissed by fire        /&/&/&/          Alice, Page 53           /&/&/&/                 Fée moi lire

Carnet parisien        /&/&/&/           BettieRose books

Pepparshoes – Sorbet Kiwi    /&/&/&/    Ma toute petite culture    /&/&/&/   Caroline Doudet (L’Irrégulière)

 

Ma tresse n’est pas terminée…. d’autres chroniques sur ce roman  peuvent s’ajouter à cette série… Désolée par avance pour celles que je n’ai pas remarquées au préalable.

A très bientôt !!!

 

 

Anorexie et culpabilité familiale … SOBIBOR…

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« SOBIBOR » de Jean Molla

Editions Gallimard Jeunesse (2003)

version poche chez Folio (2011)

 

« Sobibor« , dont le titre fait référence à un camp d’extermination durant la seconde guerre mondiale, est un roman pour la jeunesse, écrit de façon à ménager les effets sur le jeune lectorat qui peut ainsi prendre plus facilement du recul face aux thématiques abordées.

En effet, le récit se veut polyphonique : deux points de vue s’y succèdent en alternance, celui d’une jeune fille de notre époque souffrant d‘anorexie et celui d’un  ancien collaborateur des SS qui raconte son expérience en tant que membre organisateur d’un camp de concentration nazi.

Résumé de l’intrigue

Emma, la narratrice, est une adolescente anorexique. Son récit débute lorsqu’elle commet un délit de vol. Elle nous raconte sa maladie et revient sur les événements qui l’ont provoquée. Une nuit, elle a surpris sa grand-mère prononçant dans son sommeil d’étranges mots comme « Sobibor ».   L’adolescente suspecte un terrible secret en découvrant l’origine du mot « Sobibor ». Après le décès de sa grand-mère, elle tombe par hasard sur le journal intime d’un certain Jacques, ancien collaborateur français à la solde de l’Allemagne nazie et chargé de veiller au bon fonctionnement du camp « Sobibor ».

Je n’en dirai pas plus …

Roman pour la jeunesse

Un cours en ligne très intéressant sur la littérature de jeunesse (que je recommande vivement à tous les amateurs du genre lorsque ce cours en ligne sera proposé une seconde fois) m’a permis de détecter dans ce roman des caractéristiques propres à la littérature de jeunesse, notamment

  • des remarques explicatives concernant des faits ou personnages historiques du 20ème siècle, ainsi que la traduction de termes polonais ou allemands.
  • le JE narrateur aussi bien du point de vue de l’héroïne adolescente qui est la narratrice principale, que du point de vue du collaborateur SS qui raconte son récit dans un journal intime
  • un récit polyphonique, avec une perspective principale juvénile et une certaine distanciation dans le temps (journal intime datant de plus de 50 ans),
  • l’auteur n’entre pas dans les détails trop sordides

Roman bienfaisant ?

L’extermination des Juifs par les nazis y est relatée par le prisme des « méchants », chose moins courante, mais qui rend l’approche intéressante et soulève des réflexions sur le sens de la culpabilité et de la responsabilité dans les atrocités commises.

La Shoah est abordée par le biais de l’anorexie dont souffre la narratrice adolescente, ce qui crée un parallèle visuel entre les corps décharnés des prisonniers des camps nazis et ceux des personnes anorexiques.

Très beau roman, plein de mérites et qui plaira à tout public. L’évocation de sujets lourds, comme l’anorexie et les camps de concentration nazis, est facilitée par les moyens littéraires mis en oeuvre pour la jeunesse.

Mais notons que ces moyens permettent également une meilleure appréhension des thématiques par les adultescar il faut l’avouer, nous les adultes, réfléchissons parfois de façon étroite et puérile face à des problèmes mal connus…

 

« Toute la lumière que nous ne pouvons voir »

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« Toute la lumière que nous ne pouvons voir »

de Anthony Doerr

(« All the light we cannot see » – 2014 USA)

Editeurs francophones : Albin Michel (2015 – 600 p.) – Livre de Poche (2016 – 704 p.)

et Audiolib (2015)

Lauréat de plusieurs prix dont le Prix Pulitzer de la Fiction en 2015, le roman de Anthony Doerr nous emporte dans les tourments de la seconde guerre mondiale en suivant le cheminement de deux adolescents appartenant chacun au camp opposé : une Française, Marie-Laure, aveugle depuis l’enfance, qui fuit Paris avec son père pour se réfugier chez son grand-oncle, et un Allemand, Werner, orphelin doué et autodidacte que l’on envoie oeuvrer dans les armées d’Hitler pour mettre fin à la Résistance.

Les routes de ces deux adolescents « lumineux » vont se croiser à Saint-Malo vers la fin de la guerre, à l’époque où les bombardements détruiront une grande partie de la ville. Entre-temps, ils auront tous les deux croisé les forces du mal et celles du bien, mais se laisseront guider par la lumière de ces dernières.

Le titre du roman fait référence à la question d’un professeur qui donne des cours  à la radio juste avant le début de la guerre. Ces cours sont suivis secrètement et avec attention par Werner et sa soeur. Le professeur se demande « comment se fait-il, les enfants, que le cerveau, qui ne bénéficie d’aucune source lumineuse, édifie pour nous un monde plein de lumière ? »

« So how, children, does the brain, which lives without a spark of light, build for us a world so full of light? « 

Le talent de l’auteur sera de démontrer la victoire de la bonté humaine, cette lumière, dans un monde subissant l’enfer et les ténèbres de la guerre.

Roman bienfaisant ?

Véritable coup de coeur, le récit de Anthony Doerr nous transporte au milieu d’une époque qui s’éloigne peu à peu de nos mémoires, mais qu’il ne faut surtout pas oublier pour éviter qu’elle ne se renouvelle : une époque grise, violente, bestiale, sans retenue, où les plus courageux, ceux qui osent se rebeller contre le pouvoir en place, semblent perdre la partie. Mais sont-ils vraiment des perdants ?

Parmi eux, une aveugle et un orphelin désemparé réussissent à se libérer des chaînes de leur époque et des a priori de leur nationalité pour suivre leur conscience, leur voix intérieure.

« Même les heures les plus sombres ne pourront jamais détruire toute la beauté du monde »

 Ce livre revisite l’histoire sans parti pris et met à l’honneur le courage des plus faibles face à la cruauté et à l’injustice ambiantes.

Ni blanc, ni noir, simplement gris…. « Les âmes grises » de Philippe Claudel

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Philippe Claudel Les âmes grises - photo Nathalie Cailteux

« Les âmes grises »

de Philippe Claudel

Editions Stock, 2003 (285 pages)

« Les salauds, les saints, j’en ai jamais vu. Rien n’est tout noir ni tout blanc, c’est le gris qui gagne. Les hommes et leurs âmes, c’est pareil…T’es une âme grise, joliment grise,comme nous tous … »

« On sait toujours ce que les autres sont pour nous, mais on ne sait jamais ce que nous sommes pour les autres.« 

Vous livrer quelques citations d’un roman semble parfois plus facile et plus complet que d’en parler. J’adopte cette voie aujourd’hui pour évoquer ce très beau roman, lauréat de plusieurs prix (dont le prix Renaudot en 2003), qui commence par un fait tragique, le meurtre d’une fillette durant la première guerre mondiale en France.

Une tension dramatique sous-tend le récit décrit par le policier mêlé à cette enquête. Les personnages ayant de près ou de loin connu la fillette et subi les affres de cette époque marquée par la boucherie de la grande guerre laissent entrevoir les ombres qui tapissent le fond de leur âme.

Même le narrateur n’y échappe pas…

Le noir et le blanc ne décrivent plus la culpabilité ou l’innocence. Le monde, tout le monde est gris…

« Aujourd’hui tout est fini. J’ai épuisé mon temps et le vide ne me fait plus peur. Tu penses peut-être que moi aussi je suis un salaud, que je ne suis pas meilleur que les autres. Tu as raison. Bien sûr que tu as raison. Pardonne-moi pour tout ce que j’ai fait, et pardonne-moi surtout pour tout ce que je n’ai pas fait.« 

Roman bienfaisant ?

Un roman intelligent qui révèle la vérité sur la nature humaine. Bien que le lecteur ait toujours très envie de croire qu’un tel protagoniste est meilleur qu’un autre, Philippe Claudel bouleverse notre manière de penser et nous pousse à revoir nos conceptions manichéistes. Le roman invite à la réflexion sur soi et sur les autres, à l’empathie pour le plus grand nombre… dans ce sens, il s’agit d’un roman profondément bienfaisant !

« J’ai failli lui dire que pour moi, c’était plutôt le contraire, que la vie, j’en soupais tous les jours, et que s’il y avait eu des livres qui auraient pu m’en consoler, je me serais jeté dedans. »