Les deux courts romans (environ 150 pages) présentés dans cette chronique font partie de la sélection du jury 2015 pour les éditions Points. J’ai choisi de les mentionner sur ce site parce que ici ce sont les hommes qui parlent de leur tragédie amoureuse.

« La Lettre à Helga » de Bergsveinn Birgisson
Un vieillard islandais écrit une lettre ouverte à sa bien-aimée Helga, justifiant le choix qu’il a fait de rester à la campagne auprès de ses moutons et de sa terre tout en renonçant par ailleurs à la suivre, elle et le bébé qu’elle attendait de lui, pour s’installer en ville. Ce roman hésite entre fresque bucolique islandaise et déclaration d’amour passionné. Il adopte un style frais, brut et parfois cocasse pour évoquer les pensées champêtres d’un homme pris entre son amour pour une femme et son amour pour la terre islandaise. Très beau roman qui nous parle aussi de l’Islande, un pays du nord à découvrir.
« J’aurais creusé un fossé pour toi. Le même fossé toute ma vie, pour le combler à nouveau. J’aurais traversé la lande dans les deux sens, jour après jour, à en user deux paires de chaussons en peau de poisson, rien que dans l’espoir de pouvoir te toucher du doigt. J’aurais mangé du savon pour toi si tu me l’avais demandé. Mais renoncer à moi-même, à la campagne et au travail de la terre auquel je m’identifiais, ça, je ne pouvais pas. »

« Les fidélités » de Diane Brasseur
L’auteur, une femme, met en scène un narrateur masculin qui évoque sa double relation sentimentale, d’un côté ses amours avec sa jeune maîtresse et de l’autre, ses liens familiaux avec son épouse et sa fille. Tiraillé entre ces deux vies, il ne sait pas ou ne veut pas faire de choix. Dans ce récit, il évoque des souvenirs réels, mais également des fantasmes, des faits imaginaires et l’on ressent chez lui un malaise évident dans ce tourbillon de pensées.
« Je fais l’amour avec Alix, je fais l’amour avec ma femme. Je ne sais plus qui je trompe avec qui. »
J’avoue donner ma préférence au premier récit plutôt qu’à celui-ci. Pourtant je lui reconnais du mérite : la romancière est une femme et elle évoque les pensées d’un homme. A voir maintentant s’il s’agit de pensées que les femmes souhaiteraient apprécier chez un homme infidèle ? En tous les cas, cet homme qui se dit « fidèle à deux vies » reste pourtant bel et bien infidèle pour les deux femmes et il a du mal à gérer cette situation…
Des romans bienfaisants ?
Je pense que de tels écrits peuvent rencontrer les sentiments des uns ou des autres, que ce soit des hommes ou des femmes. Entendre se justifier quelqu’un en lisant un livre tranquillement – et non pas dans l’émotion d’une querelle – nous aide à adopter une attitude plus empathique, à prendre de la distance avec les événements, à réfléchir.
A vous de me dire ce que vous en pensez ?