Ces fictions qui mettent en scène des bandes de jeunes….
Romans ou séries télévisées, plusieurs titres sont à la une pour divertir les adolescents, mais aussi les adultes…
A commencer par la fameuse série « Stranger things » dont la troisième saison est sortie tout récemment sur Netflix et qui se décline désormais aussi en format romans dans nos librairies.
Qu’est-ce qui fait le succès de ces aventures où les adolescents mènent la barque ?
Dans « Stranger things », le suspense est distillé constamment saison après saison – ou chapitre après chapitre – en fonction des multiples rebondissements de toutes les intrigues menées en parallèle. Les adultes s’y sont également laissés prendre, malgré le côté invraisemblable du monde dans lequel s’affairent les protagonistes. Il est vrai que les nombreuses références au cinéma et à l’univers des années 80 (cfr Les Goonies) ont tout pour séduire un public senior. Une certaine nostalgie de ces années a sans nul doute eu raison du côté un rien « too much » de la série.
Mais pas seulement !
Ce qui fascine tout particulièrement dans ces aventures d’adolescents, c’est l’évolution entre les personnages et tout particulièrement, l’évolution des relations au sein de la bande. Nullement figées, celles-ci révèlent des situations émotionnelles authentiques (les liens d’amitié, la trahison, la loi du plus fort, les confidences, la séduction, les amours, l’importance de l’apparence) qui sont propres à tout adolescent, et avouons-le, ne sont pas étrangères au monde des adultes non plus.
Fascination pour l’évolution des relations au sein d’un groupe
Dans un groupe, nous retrouvons toujours un(e) leader, un(e) intello, un(e) moins chanceux(se), un(e) beau/belle. Les événements ont un impact sur l’évolution des relations entre les protagonistes. La loyauté, la sincérité, le partage d’émotions, l’entraide, la compréhension sont des notions sans cesse remises en question lorsque les adolescents doivent affronter leurs pires ennemis, qu’ils soient monstres ou humains.
Or ces questionnements émotionnels au sein d’un groupe font partie de l’éducation sociale et sentimentale de tout être humain. Y faire face dans la jeunesse, se les approprier pour apprendre à se connaître en tant que membre d’une communauté constituent des atouts indispensables dans l’apprentissage de la vie en société. Lorsque ces questionnements prennent une consistance sur le petit écran, ou mieux, lorsqu’ils sont décrits et explicités dans la littérature, cela nous renvoie à nos propres expériences qu’elles soient passées (pour les adultes) ou d’actualité (pour les adolescents).
La nostalgie des années 80 n’est donc pas la seule raison de cet attrait pour certaines séries télévisées ou certains romans dans lesquels les adolescents tiennent les rênes.
Le rôle de l’amitié dans l’adolescence
Michel Claes a rédigé un article en 1988 « Le rôle des amitiés sur le développement et la santé mentale des enfants », qui démontre sur base d’une étude pilote que le nombre et la qualité des amitiés à l’adolescence ont des répercussions sur les facultés d’adaptation sociale, voire sur la santé mentale à l’âge adulte.
Il détaille entre autres trois étapes dans l’évolution des amitiés adolescentes, également mises en évidence dans les études de J.C. Coleman (The Nature of Adolescence, London, Methuen, 1980) et R. Cloutier (Psychologie de l’adolescence, Chicoutimi, Gaétan Morin , 1982)
.
« La première étape (11-13 ans) est caractérisée par le partage des activités plutôt que par l’interaction en soi : les amis sont ceux avec lesquels on réalise des activités conjointes. Un intérêt nouveau pour l’autre émerge cependant, l’amitié tendant à être plus sélective que durant l’enfance. La relation devient plus possessive, plus exclusive et la recherche de similitude serait à son point le plus fort. »
« Au milieu de l’adolescence (14-16 ans), la recherche de loyauté et de confiance domine. Les liens d’amitié deviennent plus profonds, ce qui implique confidence, révélation de soi et partage ; la crainte du rejet et de la trahison est particulièrement aiguë à cette période. Les relations d’amitié y prédominent, que ce soit en terme de fréquence de rencontres ou en terme de conformité aux normes des pairs (Hunter et Youniss, 1982). »
« L’amitié post-adolescente (17-19 ans) se caractérise par le partage d’expériences et d’émotions, la mutualité et l’intimité.«
Une bulle protectrice qui rassure
Faire partie d’une bande de jeunes dispose de nombreux atouts : la force est décuplée face à l’adversaire, le soutien mutuel renforce la barrière de protection et la confiance en soi. Encore faut-il toutefois que les qualités de loyauté et d’entraide soient partagées par tous les membres.
Bulle protectrice aussi pour les lecteurs adolescents qui se reconnaissent dans ces bandes de jeunes et s’identifient à leurs vertus, mais aussi à leurs petites traîtrises, ce qui constitue un moyen de se rassurer, voire d’acquérir une connaissance de soi et des autres par le biais d’une autre perspective.
Enfin, l’humour qui filtre tout au long du récit au travers des déboires et discussions représente un filtre divertissant et protecteur pour le jeune spectateur/lecteur face aux intrigues parfois très sanglantes.
Le Club des cinq, Stranger things, Maxime Chattam….
Les aventures et les relations entre jeunes adolescents en proie à des forces obscures forment l’indéniable fil rouge qui se retrouve au sein de nombreux romans pour adolescents, parmi lesquels
- les ouvrages de la série Le Club des cinq de la romancière britannique Enid Blyton qui furent publiés en Angleterre entre 1942 et 1963 et apparurent en France à partir de 1955
- la série « Stranger things » qui triomphe actuellement sur l’écran et déjà en librairie
- plusieurs ouvrages de l’auteur français Maxime Chattam, comme par exemple :
- la série « Autre-Monde » qui entraîne le lecteur dans un univers de science-fiction, mais également
- le roman « Le 5e règne »
dans lequel je me suis plongée un peu par hasard cet été et auquel j’ai été littéralement scotchée durant mes heures de conduite (je l’ai écouté en version audio).
Lauréat du prix du roman fantastique du festival de Gérardmer en 2003, ce thriller est mené tambour battant par une bande de jeunes adolescents, une bande comparable à celle que l’on retrouve dans la série « Stranger things » , et qui affronte d’horribles êtres malfaisants. Ces derniers sont tellement démoniaques qu’ils n’hésitent pas à assassiner certains membres de la bande. Dans ce roman, le côté « tout le monde s’en sortira » n’est donc pas de mise, ce qui rend le thriller d’autant plus audacieux et captivant.
Romans bienfaisants ?
Les romans à succès mettant en scène des bandes d’adolescents regorgent souvent d’aventures fantastiques avec tous les bons ingrédients d’un polar réussi. Outre le côté divertissant dont ils font preuve, ils dévoilent la psychologie et le développement des relations d’amitié ou d’amour qui se trament en sus de l’intrigue entre les jeunes protagonistes.
Et il faut bien l’avouer, ces relations nous fascinent autant, voire plus, que les monstres qui les déclenchent et dont on se doute – ce n’est pas vraiment un spam – qu’ils n’arriveront pas à obtenir gain de cause, ou du moins, qu’ils seront mis en pause jusqu’au prochain épisode.
L’évolution des rapports entre ces jeunes ressemble à un roman initiatique aux portes du cauchemar fantastique. Mais qui dit roman initiatique, dit aussi roman bienfaisant, car il éveille la réflexion sur les rapports humains, la connaissance de soi et de son rapport avec la société.
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