« Aux frontières de la norme » entretien avec l’autrice

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Aux frontières de la norme de Céline Dominik Wicker

« Aux frontières de la norme »

Céline Dominik Wicker

(Editions du Venasque)

Recueil de nouvelles militant pour le droit à la différence

L’auteure – ou autrice – franco-suisse Céline Dominik Wicker, maman de deux enfants autistes, a rédigé le recueil de nouvelles « Aux frontières de la norme » publié par les éditions du Venasque. Sur sa page Facebook , Céline nous explique sa passion pour l’écriture et son combat pour une société « plus inclusive ».

Les cinq nouvelles qui forment ce percutant recueil dans un fabuleux mélange de réalisme et de fantaisie forcent la réflexion sur ce qui devrait être considéré comme « normal » dans notre société.

J’ai eu le plaisir d’interviewer Céline qui a bien voulu répondre à mes questions au sujet de son recueil :

 

 

  • Pouvez-vous nous expliquer le fil rouge qui relie ces cinq nouvelles et la raison qui vous a poussée à les écrire ?

Ce recueil s’inscrit, d’une certaine manière, dans une démarche cynique, au sens philosophique du terme, en s’attaquant à notre mauvaise foi et aux illusions qui nous construisent.

La déconstruction cynique nous invite, avec désinvolture et humilité (les caractéristiques propres du cynique selon Antisthène), à nous défaire de tout ce qui nous empêche à parvenir à une véritable conscience de soi. Le plus drôle, peut-être, est que j’use de fictions pour mettre à jour les fictions qui constituent les assises de notre réalité.

Quant à la raison qui m’a poussée à écrire ces nouvelles, je dirais que c’est une sorte de compulsion, un besoin viscéral de traduire en mots ce qui m’émeut, ce qui me met en colère, ce que j’ai envie de crier.

  • Je me trompe peut-être, mais j’ai trouvé que la première nouvelle « Ressemblance » se différenciait par rapport aux autres, même si d’une certaine façon, la vie des protagonistes est frappée d’une sorte d’ « anomalie ». Pouvez-vous nous en dire quelques mots ?

« Ressemblance » se différencie par son ton, il est vrai, car le narrateur qui prend plaisir à faire rimer sa prose ci et là, tel le mièvre romantique pour qui il se prend, cherche à convaincre son lecteur (et lui-même) de la vraisemblance du personnage qu’il s’est construit. Toutefois, au-delà de l’image factice qu’il nous renvoie, la démarche qui sous-tend l’écriture de la nouvelle reste la même que pour les autres : il y est toujours question du dépouillement de nos illusions, de nos bovarysmes. Et si tout ce qui est construit est illusoire (cela peut paraître évident mais cela s’oublie aussi facilement), alors il n’y a plus ni normalité ni anomalie. La frontière séparant l’entre soi de l’Autre est poreuse, voire inexistante.

  • L’un de vos protagonistes décrète en parlant des civilisations humaines : « la seule logique qui vaille et que vous avez toujours éludée est celle qui assure l’avenir de son espèce » ou encore « vous avez abdiqué votre humanité au profit de la rentabilité ». Ce discours fait, me semble-t-il, écho aux paroles que l’on entend de plus en plus dans les médias selon lesquelles nous courons à notre perte si nous continuons la surconsommation et la surexploitation de nos richesses écologiques, et ceci pour le bien-être égoïste d’un petit nombre aux dépens du reste de l’humanité. Etes-vous d’accord avec cette analyse ?

Oui, tout à fait. La rentabilité est une de ces croyances illusoires à la base de notre société. Elle n’a de réalité que celle qu’on veut bien lui donner et il serait temps d’en revoir la pertinence, surtout dans un monde aux ressources finies. Que voulons-nous privilégier, l’obsolescence de notre pacotille ou notre propre survie ?

  • Vous dénoncez l’immobilisme de la société qui pense pourtant qu’elle agit pour le bien des personnes autistes ou autres personnes « hors norme ».   Comment la société peut-elle remédier à ses lacunes  d’après vous ?

On dit que l’enfer est pavé de bonnes intentions, n’est-ce pas ? C’est aussi le cas pour la (mauvaise) gestion de l’autisme (et des autres handicaps et/ou neurodiversités) en France. On est encore affectés par une pensée délétère qui est de ségréguer les personnes « hors normes » – pour leur bien, ajoute-t-on comme pour se dédouaner. Il est difficile de venir à bout d’une telle pensée et, pourtant, il faudra bien le faire si l’on souhaite mettre en place une société véritablement inclusive. Cela demande un changement de paradigme qui n’a pas encore eu lieu. Tout commence d’abord dans la tête. Une fois que nos mentalités auront changé, on s’étonnera même qu’il y ait eu une époque où l’on parquait la Différence. Les autistes ont des droits, comme les autres, et leurs familles ne devraient pas avoir à les revendiquer tout le temps. Imaginez-vous une situation similaire où vous devriez justifier, sans arrêt, du bien-fondé d’inscrire votre enfant neurotypique dans une école standard, à plein temps ? Cela paraîtrait ubuesque, non ? Eh bien, c’est justement le quotidien de milliers de parents d’enfants différents. Pour que les choses se passent au mieux, nous dépendons surtout de la bonne volonté de personnes bienveillantes et lorsque ces dernières ne sont pas au rendez-vous, tout risque de s’écrouler comme un château de cartes. Ce n’est ni légitime, ni juste. Les personnes neuro-atypiques ne devraient pas payer les pots cassés d’un système défaillant. Il serait donc grand temps de prendre enfin en compte et de mettre en application les recommandations de l’experte de l’ONU, Mme Catalina Devandas-Aguilar, venue en France en janvier 2017. Cela fait déjà presque deux ans. Qu’est-ce qu’on attend ?

  • Gardez-vous malgré tout l’espoir en un avenir meilleur et en la capacité d’empathie de l’être humain ? Si oui, dites-nous ce qui vous motive à penser que tout espoir n’est pas perdu.

Oui, bien sûr, sinon je n’écrirais pas. Je pense que l’empathie est inhérente à notre condition humaine. Seulement, parfois, on l’oublie. Aussi, la culture, que cela soit par le biais d’un film, d’une lecture, d’un témoignage, etc. nous aide à nous mettre à la place de l’Autre et à ressentir ses peines, ses joies par procuration. Je considère donc ce recueil comme un trait d’union entre mes lecteurs et moi.

Je remercie Céline pour ses réponses détaillées et vous invite à consulter les sites Ricochet et Babelio  pour toute information complémentaire.

 

Nouvelles bienfaisantes ?

Nos rapports à autrui font partie intégrante de notre vie et en constituent l’une des parties les plus essentielles. Il est indispensable de dépasser les limites de notre zone de confort, de notre propre « normalité » réductrice pour s’ouvrir à l’espace vital d’autrui. C’est seulement grâce à cette ouverture que nous pourrons vivre en accord avec l’essence même de notre humanité qui est la compréhension et l’amour de l’être vivant dans toute sa diversité.

 

À propos de Nathalie Cailteux

Philologue passionnée par la littérature et les effets positifs de celle-ci sur le moral. A l'écoute de vos problèmes, je vous propose de surmonter vos difficultés grâce à la lecture de romans. - www.lirepourguerir.com  /////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////// Philologist with a passionate interest in literature and its positive effects on well-being, I recommand you the reading of novels to ease your pain and overcome difficulties of life. www.readtoheal.wordpress.com  //////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////   Contactez-moi sur / Please contact me via deslivrespourguerir@gmail.com

Une réponse "

  1. A reblogué ceci sur Lire pour guériret a ajouté:

    J’ai le plaisir de vous annoncer que le recueil de nouvelles « Aux frontières de la norme » de Céline Dominik Wicker a été selectionné dans la catégorie « Nouvelles » du premier trimestre 2020 pour le Prix Bob Morane !

  2. Pingback: Trois rencontres et/ou interviews (extraits du blog www.lirepourguerir.com) - LIRE POUR GUÉRIR

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