Accents décalés et humour bienfaisant
dans la littérature
Définition et bienfaits de l’humour
L’humour est défini par le dictionnaire Le Petit Robert comme une « forme d’esprit qui consiste à présenter la réalité de manière à en dégager les aspects plaisants et insolites« . Grâce à quoi, l’humour facilite les rapports avec les autres et réconforte devant l’adversité.
L’humour prend ses racines dans la réalité qui nous entoure, dans notre quotidien et notre actualité pour en retirer un côté « plaisant ». Il a pour vocation de dédramatiser, voire de relativiser la plupart des situations, même les plus dramatiques. Il ressemble à la soupape d’une casserole à pression qui permet à la tension accumulée de s’échapper par une ouverture. En distendant les liens d’une emprise anxiogène du rationnel, l’humour nous offre une occasion de respirer et de nous évader.
Rire avec les autres
L’humour crée des liens de connivence et de solidarité avec autrui. « Nous avons le même humour, nous partageons les mêmes délires ». Une amitié se développe souvent autour de liens tissés par l’humour en réaction à une situation donnée.
« L’humour est le plus court chemin d’un homme à un autre » prétend Georges Wolinski
…mais ne pas rire des autres
« Humour, c’est amour; ironie, c’est mépris » affirme Dominique Noguez dans son essai « L’Arc-en-ciel des humours »
Il va de soi que l’humour sort de son critère de bienveillance lorsqu’il repose sur la critique aux dépens d’autrui, lorsqu’il se transforme en moquerie blessante. Faire rire son entourage en se moquant méchamment d’une autre personne n’est pas faire preuve d’humour, mais de lâcheté et d’un cruel manque d’esprit. Qu’il est facile d’user du langage du mépris ou de l’ironie envers autrui pour amuser les autres ! Il est bien plus difficile, mais beaucoup plus courageux et intelligent de souligner le côté singulier, cocasse ou drôle d’une situation donnée, sans blesser personne tout en favorisant la solidarité et la complicité.
Rire de soi
J’en viens à l’auto-dérision qui constitue le degré le plus raffiné de l’humour. Rire de soi, se moquer de soi et en faire profiter les autres qui ne seront donc pas embarrassés d’applaudir cet humour puisqu’il provient de l’intéressé lui-même.
Rire de soi, c’est prendre un peu de distance par rapport à ses habitudes, à ses faiblesses, à ses lacunes en les analysant avec sourire et lucidité. Mais attention toutefois de ne pas verser dans l’auto-dépréciation qui conduirait inexorablement à des sentiments négatifs.
Accents décalés en littérature
La littérature regorge d’humour et d’auto-dérision vis-à-vis du réel, un réel parfois tragique, parfois insoutenable et difficile à supporter. La façon décalée avec laquelle les romans abordent certains sujets peut surprendre, mais cela ouvre en même temps un nouveau champ de vision et engendre la réflexion. La réalité tragique en devient plus vivable.
Je vais vous présenter ci-après quelques ouvrages parus voici une dizaine d’années aux éditions Le Dilettante. Ces récits ont en commun d’aborder le banal ou le tragique avec un style paradoxalement léger et cocasse. La réalité telle que nous la vivons quotidiennement nous y est présentée sous un jour nouveau, parfois étonnamment drôle et décalée.
C’est ce décalage du regard qui a poussé l’auteur belge Alain Bertrand à composer un ouvrage « On progresse » décrivant, façon catalogue pour aliens, les objets contemporains et leur usage réel. Cela va du barbecue au cercueil en passant par le doudou, la pince à linge ou encore le cornet de frites dans les dernières pages consacrées au bonus belge. Il faut bien reconnaître que l’auteur sait pointer l’attention sur le côté délirant de nos habitudes face aux objets du quotidien. Un recueil de savoureux persiflages sur les vices cachés de la vie moderne à travers une paire de lunettes originales…
Si une bonne tragi-comédie burlesque truffée de personnages aux attitudes caricaturales vous tente malgré la finalité dramatique qui en découle, n’hésitez pas à vous plonger dans le roman « La belle maison » de Franz Bartelt , auteur prolifique vivant dans les Ardennes françaises. Il y raconte comment une communauté villageoise tente de faire le bonheur de deux clochards, mais en se trompant sur toute la ligne. Car la signification du bonheur est multiple et sa consécration n’est pas pour tous de vivre dans une belle maison. De cette incompréhension naîtra la tragédie… Le rythme est soutenu et le détail des petits événements qui s’additionnent prend une dimension truculente et spontanée. Ce ton badin accompagne, avec un décalage talentueusement mis en scène, l’ombre qui plane sur le récit.
Tout aussi captivant et agréable à lire, le second roman de Murielle Renault « Le strip-tease de la femme invisible » aborde des thèmes d’actualité plus ou moins graves (boulimie, anorexie, télé-réalité) sur un ton suffisamment léger pour ne pas verser dans la morosité tout en montrant habilement la volonté insidieuse de cacher l’aspect sombre du récit. La protagoniste est une femme mal dans sa peau qui décide de s’inscrire à une émission de télé-réalité dont l’objectif est de transformer littéralement le physique des candidates. Une fois relookée, elle s’apercevra vite que, loin d’avoir réglé ses véritables problèmes, sa transformation physique a entraîné d’autres soucis plus importants qui déboucheront sur de véritables drames.
Dans le genre spontané et « je le dis comme je le pense », le troisième roman de Cyril Montana « La faute à Mick Jagger » relate sous forme de chassé-croisé entre le passé et le présent divers moments de l’existence du fils d’un couple de Babas-cool dépassés par leurs propres problèmes et ayant malheureusement oublié d’aimer leur enfant. Avec un humour qui côtoie cafard, tristesse et amertume, l’auteur s’inspire de sa propre autobiographie pour démontrer l’importance des premières années sur l’évolution de chaque destinée, et plus que tout, la place prépondérante de l’amour parental.
Ces quelques récits aux accents décalés développent chacun à leur manière une façon d’aborder la réalité et ses aspects tragiques avec suffisamment de recul pour les comprendre et peut-être y remédier.
Je finirais sur quelques citations exemplaires du célèbre acteur comique Charlie Chaplin :
« L’humour renforce notre instinct de survie et sauvegarde notre santé d’esprit. »
« Quand un monde de déceptions et d’ennuis s’abat sur vous, si l’on ne s’abandonne pas au désespoir, on se tourne soit vers la philosophie, soit vers l’humour«
… et toujours vers la lecture 🙂
Pingback: Meilleurs voeux de bonheur, santé et lectures ! | Lire pour guérir