« Nous accouchons la mort, alors profitez de la vie »

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« Changer l’eau des fleurs » de Valérie Perrin

(Editions Albin Michel, 2018, Le Livre de Poche, 2019)

Le mois de novembre est chargé de mélancolie. Les jours raccourcissent, la météo retrouve le chemin de l’hiver, les températures descendent pour ne plus remonter avant l’année prochaine. Le mois de novembre débute aussi avec la Toussaint, cette journée durant laquelle nous prenons le temps de nous épancher un instant sur les tombes de celles et ceux qui ne sont plus…

Le cimetière, un endroit de convivialité

Depuis le décès de mon père, j’ai appris à apprécier les moments passés au cimetière. Ce n’est pas parce que je m’y sens proche de lui. Non, à vrai dire, ces instants de proximité, je les retrouve ailleurs, à d’autres occasions et dans d’autres endroits, là où il a vécu et où nous avons partagé de bons moments.

Le cimetière est plutôt devenu un lieu de rencontres avec les vivants qui, comme moi, y trouvent refuge et y partagent pensées et souvenirs.

Est-ce la raison pour laquelle le quatrième de couverture du roman de Valérie Perrin « Changer l’eau des fleurs » m’a interpellée et que j’ai eu envie de lire cette histoire ?

« Violette Toussaint est garde-cimetière dans une petite ville de Bourgogne. Les gens de passage et les habitués viennent se confier et se réchauffer dans sa loge. Avec la petite équipe de fossoyeurs et le jeune curé, elle forme une famille décalée. Mais quels événements ont mené Violette dans cet univers où le tragique et le cocasse s’entremêlent? »

L’auteure Valérie Perrin, nous convie dans un cadre plutôt original pour un récit plein d’humanité qui, loin de nous entraîner sur les traces d’une histoire macabre, nous bouleverse par les élans d’émotions qui en font le tissu même de l’intrigue.

Le cimetière, un lieu de résilience

Au plus douloureux moment de sa vie, Violette est invitée à prendre les fonctions de garde-cimetière. C’est là qu’elle apprendra à surmonter ses drames personnels, à reprendre goût à la vie pour se tourner vers les autres et les aider dans les situations de deuil et de tristesse.

Le cimetière, cet endroit de recueillement, devient un terrain de contact avec toute une panoplie de personnes auprès desquelles se révèlent les côtés tragiques et sentimentaux de l’existence lorsque s’y mêle le décès d’un proche.

« Au fond, nous les croque-morts, on est dans la vie. Peut-être encore plus que dans les autres métiers. Parce que ceux qui s’adressent à nous, c’est ceux qui restent, ceux qui restent en vie…. Notre père, paix à son âme, nous disait toujours : « Mes fils, nous sommes les sages-femmes de la mort. Nous accouchons la mort, alors profitez de la vie, et gagnez- la bien. »

« Changer l’eau des fleurs », un roman bienfaisant

Valérie Perrin ne nous parle pas ici de la mort, mais de la vie dans tous ses états. Elle y évoque surtout les déboires sentimentaux des uns et des autres, les romances qui auraient pu être, celles qui ont mal abouti, les malentendus, les zones de non-dit, les colères et les aigreurs. Bien sûr, la perte des êtres chers y est décrite, mais elle est décryptée à la lueur d’une émotion vivante. Et comme telle, il existe diverses façons de la dompter.

« Le manque, la douleur, l’insupportable peuvent faire vivre et ressentir les choses qui dépassent l’imaginaire. Quand quelqu’un est parti, il est parti. Sauf dans l’esprit de ceux qui restent. Et l’esprit d’un seul homme est bien plus grand que l’univers. »

De son côté, la protagoniste Violette Toussaint aura bénéficié de quelques très précieuses amitiés pour faire face aux épreuves de la vie. Ces rencontres constituent une sorte de témoignage optimiste selon lequel il y a toujours quelque part des personnes pour vous aider et vous donner le coup de main opportun, qui, si infime soit-il, vous aidera à aller de l’avant.

Eloge de la lecture

La lecture n’est pas en reste pour assister la narratrice dans ses épreuves. Le roman qui l’accompagne tout au long du récit et qu’elle apprend à lire est « L’oeuvre de Dieu, la part du Diable » de John Irving.

« Pourquoi va-t-on vers des livres comme on va vers des gens ? Pourquoi sommes-nous attirés par des couvertures comme nous le sommes par un regard, une voix qui nous paraît familière, déjà entendue, une voix qui nous détourne de notre chemin, nous fait lever les yeux, attire notre attention et va peut-être changer le cours de notre existence ? » se demande la narratrice qui pense aussi qu’en se couchant, elle n’aimerait pas mourir au milieu de la lecture d’un roman qu’elle aime.

Dans le récit de John Irving publié aux éditions Seuil en 1986 (dont l’histoire a également été portée à l’écran), un gynécologue excentrique met au monde des enfants non désirés tout en les gardant dans son orphelinat (l’oeuvre de Dieu), mais d’autre part, il pratique aussi des avortements illégaux (la part du diable). Une relation père-fils riche en émotions va se nouer avec l’un de ses pensionnaires et se développera au fur et à mesure de la poursuite du récit.

Si la thématique de ce roman tourne autour des questions d’avortement et d’abandon, elle fait surtout l’éloge des véritables liens d’amour qui se construisent au fil de l’existence et qui ne sont pas toujours les liens familiaux. Un peu comme dans le roman de Valérie Perrin où les protagonistes font face à des problèmes de deuil et d’abandon, mais sont invités à trouver des issues de secours grâce à des rencontres amicales ou amoureuses improbables.

« La nuit n’est jamais complète, il y a toujours au bout du chemin une fenêtre ouverte » selon le titre d’un chapitre de « Changer l’eau des fleurs ».

Prix des lecteurs 2019 auprès des éditions Le Livre de Poche

 

Le roman de Valérie Perrin est un roman bienfaisant et optimiste qui a été salué par beaucoup de lecteurs.

Il a d’ailleurs obtenu le prix des lecteurs du Livre de Poche 2019, catégorie littérature, aux éditions Le Livre de Poche.

Changer l’eau des fleurs, c’est un peu comme continuer malgré tout à nourrir la vie en lui offrant l’occasion de rejaillir en beauté.

 

 

 

 

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