« Des larmes sous la pluie » de Rosa Montero, publié aux éditions Métailié et traduit en français par Myriam Chirousse est un roman d’anticipation mêlant les filons d’un bon thriller à des ingrédients futuristes. Ceux qui sont allergiques à la science fiction pourraient croire que ce bouquin n’est pas pour eux. Moi-même n’étant pas particulièrement fan de ce genre, je me suis pourtant laissée séduire par cette histoire qui soulève des problématiques très contemporaines et dans laquelle on se reconnaît dans la description des sentiments et des émois de la protagoniste principale.
Madrid, en 2109, Bruna Husky est ce que l’on appelle une réplicante (une parmi de nombreuses références au célèbre roman de Philippe K. Dick dont s’est inspiré le film Blade Runner de Ridley Scott), à savoir elle fait partie de la race des androïdes qui sont dotés de souvenirs artificiels et condamnés à vivre une courte vie d’environ 10 ans. En sa qualité de détective, Bruna Husky est appelée à découvrir le mystère d’une intrigue selon laquelle plusieurs réplicants s’adonnent à des actes de folie et de violence envers d’autres réplicants, ce qui a comme conséquence d’engendrer de plus en plus de crainte chez les humains et d’alimenter le réservoir de l’intolérance entre les races qui habitent la terre.
Sous des apparences mégafictives, les difficultés qui jalonnent ce récit reflètent celles de notre époque (surpopulation, intolérance, racisme, peur de l’autre, pauvreté). Mais surtout, l’auteur s’emploie à souligner l’angoisse existentielle – qui est le lot de tout un chacun – au travers des pensées de la réplicante que le compte à rebours de sa courte existence ne cesse de perturber et qui pleure la perte de son amant, lui-même réplicant décédé dans la fleur de l’âge (d’un point de vue humain).
« Il y a un moment pour tout et un temps pour chaque chose sous le soleil : un temps pour naître et un temps pour mourir, un temps pour pleurer et un temps pour rire, un temps pour s’embrasser et un temps pour se séparer », avait dit son amant quelques jours avant de mourir, très faible déjà mais d’une voix claire et tranquille. Merlin avait toujours aimé ce fragment de l’Ecclésiaste. De belles paroles pour ordonner les ténèbres et pour apaiser ne serait-ce qu’un instant la furieuse tempête de la douleur. A présent, en revivant cette scène, Bruna éprouvait aussi une petite consolation, comme si la peine s’installait docilement à sa place. »p360
Toutefois, le récit n’est pas dépourvu de notes d’espoir, car ce qui sauve les âmes de la dépression et de la solitude, ce ne sont pas les moyens superficiels comme l’alcool, la drogue… mais l’amitié, l’amour, le partage des moments et des émotions.
« …doter la rep de ses propres souvenirs avait allégé le poids de sa peine. Non seulement parce qu’il avait en quelque sorte cédé une partie de ses malheurs à un autre, mais, surtout, parce que cet autre existait, parce qu’il y avait quelqu’un qui était comme lui. Parce qu’il n’était plus seul. »p167
Puisque la fiction est là pour nous aider à mettre des mots sur les angoisses qui nous enserrent le coeur, pourquoi ne pas plonger dans ce récit qui, bien que futuriste, traduit à merveille le mal-être de l’existence, la peur de la mort, la solitude et la différence. Et quelques ingrédients futuristes, parfois même assez loufoques, vous permettront de vous évader. C’est garanti !