Archives de Catégorie: Thème de la DIFFERENCE

Qu’elle soit physique, sociale ou culturelle, la différence nous isole. Ce problème peut être mis en évidence dans une histoire réelle ou fictive

Surprenant parallèle sur le thème de la différence « Le garçon incassable» de Florence Seyvos

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« Le garçon incassable » de Florence Seyvos

Couronné par le Prix Renaudot du livre de poche 2014, le roman de Florence Seyvos enchante autant qu’il émeut.

L’auteur met en parallèle deux histoires de vie dont le fil rouge est la différence physique exposée aux yeux du monde.

En retraçant la vie du célèbre Buster Keaton, devenu l’un des pionniers du cinéma, la narratrice se remémore les jeunes années de son frère adoptif, Henri, handicapé physique et mental.

Alors que le père d’Henri tentait de rééduquer ce dernier avec des moyens éprouvants pour l’aider à devenir autonome, Buster Keaton, pour sa part, avait été utilisé très jeune par son père comme souffre douleur (ou « objet volant ») à des fins de spectacle.

Nous ne pouvons que nous incliner face à ces deux figures humaines dont l’enfance est marquée par la résistance stoïque à une certaine forme de « violence physique » et qui ont malgré tout réussi à se redresser sans « casser ».

Histoire bienfaisante ?

Il s’agit d’un très beau roman, raconté avec douceur, subtilité et une touchante cocasserie. Le regard du lecteur est attiré non pas sur la différence en tant que telle, mais sur la violence qu’engendre cette différence.

« Les légendes servent à mettre en valeur la vérité en dégageant l’essentiel du tissu parfois peu lisible de l’existence. »

En cliquant ici, vous pourrez lire plusieurs articles sur ce roman paru aux éditions Cercle Points; j’ai moi-même écrit l’un de ces articles lorsque j’étais jurée pour le prix des lecteurs 2015 chez Points.

« Au revoir là-haut » de Pierre Lemaitre

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« Au revoir là-haut » de Pierre Lemaitre

... un titre qui convient bien à ce jour de Toussaint....

Lauréat de plusieurs prix littéraires en 2013, dont le prestigieux Prix Goncourt, le roman de Pierre Lemaitre relate avec talent les tragiques péripéties de deux rescapés de la première guerre mondiale. Bien qu’issus de milieux sociaux différents, ils vont unir leur destinée dans un effort commun de survie aux sombres et amers lendemains du carnage des tranchées.

Sont abordées dans ce roman diverses thématiques, parmi lesquelles :

la différence sociale qui imprégnait fortement les relations humaines à cette époque, et a fortiori les relations entre militaires

« Il confirme l’adage selon lequel le véritable danger pour le militaire, ce n’est pas l’ennemi, mais la hiérarchie. »

l’injustice ressentie par les rescapés de la guerre,

« Le pays tout entier était saisi d’une fureur commémorative en faveur des morts, proportionnelle à sa répulsion vis-à-vis des survivants »

mais aussi le deuil vis-à-vis d’un fils que son père regrette – hélas trop tard – d’avoir « mal » aimé

« L’immensité de sa peine était décuplée par le fait qu’au fond, c’était la première fois qu’Edouard existait pour lui. Il comprenait soudain combien, obscurément, à contrecœur, il avait aimé ce fils ; il le comprenait le jour où il prenait conscience de cette réalité intolérable qu’il ne le reverrait jamais plus. »

Outre les protagonistes principaux, les personnages secondaires sont superbement décrits, leur psychologie finement ciselée par la plume de l’auteur.

J’ai écouté ce roman lu par l’auteur lui-même. Pierre Lemaitre nous confie avoir écrit ce livre comme une histoire racontée, ce qui explique certaines incursions de l’auteur dans la narration telles que « je vous l’avais bien dit… ». Un certain humour transparaît également dans ces incursions, apportant un peu de légèreté au côté sombre du récit.

Ecouter lire ce roman me semble une option très intéressante et je dois avouer avoir été rapidement captivée par cette narration orale, d’autant plus que Pierre Lemaitre s’avère un talentueux lecteur à voix haute.

L’auteur nous parle de son roman dans cette vidéo ICI

Roman bienfaisant ?

Roman d’évasion permettant de relativiser nos soucis, les injustices et les deuils que nous sommes tous appelés à endurer.

Valeur littéraire ?

Le roman a mérité ses prix à plus d’un titre. Dans l’interview avec l’auteur en fin de récit, il mentionne ses nombreuses sources d’inspiration littéraire parmi lesquelles des maîtres classiques comme Marcel Proust, Balzac, Diderot, Homère etc.

La solitude du génie : « Martin Eden » de Jack London

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« Martin Eden » de Jack London

Un classique indémodable qui parle d’amour et de différence, celle-ci faisant souvent obstacle à celui-là.

Martin Eden est né dans les bas-fonds d’Oakland aux Etats-Unis vers le début du XXème siècle. Doté d’une force physique à toute épreuve, il a gagné son pain en parcourant les mers comme matelot. Un jour, il fait la connaissance de Ruth, une jeune fille de la bourgeoisie. Il s’éprend de tout ce qu’elle représente à ses yeux : la beauté, la richesse et l’amour. Dans l’espoir de la conquérir un jour, il veut acquérir tous les codes de la bienséance et surtout se cultiver pour atteindre le niveau de cette classe sociale qu’il idéalise.

Autodidacte, il se jette alors à corps perdu dans la lecture d’ouvrages en tous genres. Son génie intellectuel – qu’il  découvrira au fil de son apprentissage – s’enivre peu à peu de littérature et de poésie. Tout en délaissant les offres de travail qui se présentent à lui, il passe nuits et jours à lire et à écrire. Personne ne croit en son talent, y compris Ruth. Le monde des riches et des pseudo-intellectuels qu’il idéalisait finit par le désenchanter. Un jour pourtant, le succès arrive…

***

Il existe beaucoup de similarités entre la vie de Martin Eden et celle de l’auteur Jack London, notamment la passion littéraire, l’esprit autodidacte et l’envie de grimper les échelons de la hiérarchie sociale.

Plusieurs d’entre vous avaient déjà évoqué ce livre comme un ouvrage littéraire bienfaisant et je suis heureuse d’avoir enfin eu l’occasion de le lire.

Ce roman évoque d’une part  le plaisir fou – et par conséquent les bienfaits – que procure la littérature

« Il lança un regard vers son ami qui lisait toujours sa lettre et vit les livres sur la table. Dans ses yeux s’alluma une convoitise ardente, semblable à celle d’un homme mourant de faim, à la vue d’un morceau de pain ».

« La poésie, toutefois, était sa grande consolatrice… »

« Ce que j’ai lu était épatant. C’était lumineux, brillant et ça m’a traversé, ça m’a chauffé comme le soleil et éclairé comme un projecteur. Voilà l’effet que ça m’a fait… »

mais d’autre part, également le désenchantement face à la société qui reste figée dans ses préjugés sociaux et est incapable de reconnaître et d’apprécier une pensée originale.

« Elle avait une de ces mentalités comme il y en a tant, qui sont persuadées que leurs croyances, leurs sentiments et leurs opinions sont les seules bonnes et que les gens qui pensent différemment ne sont que des malheureux dignes de pitié. C’est cette même mentalité qui de nos jours produit le missionnaire qui s’en va au bout du  monde pour substituer son propre Dieu aux autres dieux. A Ruth, elle donnait le désir de former cet homme d’une essence différente, à l’image de banalités qui l’entouraient et lui ressemblaient. »

Roman bienfaisant ?

L’auteur décrit avec énormément de talent le détail des attitudes et cogitations de son protagoniste qui en disent long sur sa pensée intime, son engouement, son désespoir et finalement sa totale désillusion.

« Telles étaient les réflexions de Martin. Il en vint à se demander si l’écart qui existait entre les travailleurs de son ancien milieu et les notaires, les officiers, les hommes d’affaires, les caissiers du milieu qu’il fréquentait à présent, ne se bornait pas uniquement à des différences de nourriture, de vêtements et d’entourage« 

Non seulement Martin Eden souffre des différences financières qui enferment les gens dans des castes au sein de la société, mais il souffre surtout et avec beaucoup d’amertume de la différence qu’il incarne lui-même alors qu’intellectuellement, son génie dépasse de loin la compréhension de la moyenne des gens qui l’entourent.

Bien que le roman ne se termine pas sur une note d’espoir, il me semble que sa lecture communique beaucoup d’empathie vis-à-vis des personnes qui se sentent différentes, incomprises et seules au sein de la société.

DISGRÂCE, ORGUEIL ET SOLITUDE « Une abeille contre la vitre » de Gilbert Cesbron

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« Une abeille contre la vitre » de Gilbert Cesbron

Le visage d’Isabelle n’est pas ce que l’on pourrait qualifier de beau. D’ailleurs dès son jeune âge, sa mère, sa soeur, ses camarades de classe lui ont dit qu’elle était laide. Ce handicap social l’empêche de mener une vie « normale », elle tente de se suicider et se réfugie dans un couvent, elle dénigre – tout en enviant – les rapports homme-femme qu’elle décortique de son point de vue féministe et douloureusement solitaire.

« Isabelle ne put éluder davantage cette évidence qui l’habitait à son insu depuis longtemps que la seule vraie disgrâce est la solitude. Les autres : laideur, maladie, vieillesse, ne sont que les pourvoyeuses de la solitude »

Bien que son visage ne soit pas attirant, son corps est splendide et attise le désir. Mais c’est d’amour dont Isabelle a cruellement besoin. De fil en aiguille, de rencontres en expériences humaines, Isabelle finira par le comprendre et surtout par l’accepter.

L’auteur Gilbert Cesbron (1913-1979) est un écrivain français d’inspiration catholique. Il a écrit de nombreux romans connus et reconnus (Chiens perdus sans collier, Il est plus tard que tu ne penses, etc). La façon dont il remet ici sa protagoniste sur la bonne voie révèle son attachement à la foi chrétienne et au message d’amour convié par cette religion.

Roman bienfaisant ?

Outre le côté agréable du récit en lui-même, nous suivons ici avec intérêt les pensées et réflexions de la protagoniste et des autres personnages du récit. L’auteur réussit à mettre des mots sur un ressenti authentique concernant notamment la perception féminine, respectivement masculine, des relations entre les hommes et les femmes, la place des hommes dans la société, le rôle subi ou souhaité des femmes, mais également sur l’amitié, la solitude, la vieillesse, la différence sociale.

Le sentiment récurrent chez Isabelle est un sentiment d’injustice face à sa disgrâce physique, sentiment qui l’isole plus que la laideur de son visage elle-même.

Toutefois, Gilbert Cesbron ne nous abandonne pas sur une fin tragique et nous livre sa clef pour s’en sortir : l’amour !

LA DIFFERENCE FAIT SOUFFRIR : « Les Collines d’Eucalyptus » de Duong Thu Huong

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« Les Collines d’Eucalyptus » de Duong Thu Huong

Un très beau roman qui commence derrière les barreaux d’une horrible prison au Vietnam. Nous y faisons la connaissance d’un jeune homme dont le parcours de vie est raconté tout au long des 800 pages du livre.

Ayant découvert son homosexualité, Thanh fuit une vie aisée, entourée de parents et amis qui l’aimaient, pour suivre un mauvais garçon dont l’atout principal est de partager avec lui sa différence.

Le plaisir de lecture que ce roman procure nous fait oublier sa longueur. Le récit relate non seulement les aventures de Thanh, le protagoniste principal, mais évoque aussi l’histoire d’autres personnages piégés dans la tourmente de la vie et obligés parfois de se battre pour surmonter leur différence en société.

Il faut également souligner la façon particulière de raconter de Duong Thu Huong, à la fois réaliste et poétique, jamais ennuyeuse.  L’auteure vietnamienne n’hésite pas à donner des couleurs et un parfum aux lieux dans lesquels vivent les protagonistes, à décrire la nature dont ils s’inspirent pour survivre et pour rêver. Les réflexions et questionnements du jeune garçon sont souvent évoqués en italique pour ajouter une certaine profondeur dans les échanges qu’il entretient avec son entourage.

On retrouve aussi çà et là des phrases à considérer comme « bienfaisantes » et issues de la sagesse des anciens…

« Mon père me disait : « Il ne faut jamais se décourager car, si haute que soit la montagne, il existe toujours un chemin pour y grimper. L’essentiel, c’est d’avoir la patience de le chercher. »

« Ma grand-mère[…] disait souvent : « Les yeux doivent s’ouvrir pour que le cerveau puisse accéder à plus de vision. Quand le cerveau s’ouvre, alors seulement on peut développer son coeur »

Pour toutes les raisons mentionnées ci-dessus, je recommande ce roman à celles et ceux qui se sentent différents par rapport à la norme en société, mais aussi à celles et ceux qui ont envie de lire une belle et longue histoire parcourue de petits récits à taille humaine dont on veut à tout prix connaître la fin…

Et voici une petite vidéo de l’auteure parlant de son livre, mais aussi de son exil

Hymne à l’amour et à la différence : « L’art d’écouter les battements de coeur » de Jan-Philipp SENDKER

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« L’art d’écouter les battements de coeur »

de Jan-Philipp Sendker

 

Ce roman a été traduit dans 25 pays et est considéré comme un best-seller au niveau international.

Au travers du récit d’un vieil homme, Julia, une jeune femme moderne de notre époque, se plonge dans l’histoire de la jeunesse de son père qu’elle cherche à rejoindre en Birmanie. Elle apprend ainsi comment se sont rencontrées et aimées deux personnes « différentes », Tin Win, devenu aveugle après le départ de sa mère et Mi Mi née avec des pieds infirmes.

Ces deux personnes que la vie n’a pas épargnées vont démontrer un extraordinaire pouvoir d’amour qui force l’admiration et le respect.

 » je me suis souvent demandé quelle était la source de sa beauté, de son éclat . »
 » Moi, je vais vous le dire, reprit- il. C’est l’amour. L’amour rend beau . Connaissez – vous une seule personne qui aime et qui est aimée de façon inconditionnelle, et qui soit laide ? Inutile de répondre à cette question. Il ne peut exister pareille personne. « .

Au fur et à mesure que le récit se développe, Julia, la fille de Tin Win va ouvrir ses yeux sur un univers spirituel dont elle ne soupçonnait pas l’existence. Le lecteur en sera également le témoin privilégié.

Ce roman a remporté la majorité des votes lors de la sélection des romans du Livre de Poche pour le mois de juin.

A noter aussi que l’auteur a  écrit une suite à ce roman qui s’intitule « Un coeur bien accordé »  où l’on peut lire la quête de Julia dix ans plus tard, de retour en Birmanie, le pays d’enfance de son père.

Un roman bienfaisant ?

Pas de doute, en lisant ce roman, vous retrouverez espoir en la vie et en l’amour.

… et puis, cerise sur le gâteau, le bienfait de la lecture est également mentionné dans les pages de ce roman …

« Quelques jours auparavant, il lui avait expliqué qu’il ne se contentait pas de lire les livres, il voyageait avec eux; les livres l’emportaient dans d’autres pays, sur des continents inconnus et, grâce à eux, il rencontrait des gens nouveaux, dont il devenait très souvent l’ami« 

Encore des doutes ?

Différence physique : « L’Empereur, c’est moi » de Hugo Horiot

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« L’Empereur, c’est moi » de Hugo Horiot

Ce roman fait partie de la sélection du mois de mai pour le Prix des Lecteurs 2015 du Livre de Poche.

En quelques pages, l’auteur nous raconte la souffrance qu’il a vécue comme enfant autiste Asperger. Il se replonge dans les pensées de ses jeunes années (quatre, huit, douze ans) lorsqu’il refusait de parler et se comportait d’une façon qu’autrui considérait comme « étrange », « différente ».

Il n’aimait pas le monde qui l’entourait, ne s’aimait pas lui-même, voulait changer de prénom et ne se sentait pas à l’aise avec les autres enfants de son âge.

« Je suis prisonnier de mon corps et si je parle je serai prisonnier de vous autres. À perpétuité. Je préfère vous observer sans en avoir l’air. Je vous espionne. Si les yeux sont les fenêtres de l’âme, je pourrais voir la vôtre, mais ça m’obligerait à vous dévoiler une partie de la mienne. Vous ne verrez pas mon âme. Vous voyez mon corps et c’est déjà trop. Mon corps ne sera qu’une pierre tombale, un mur, je ne vous donnerai rien. Je n’aime pas votre monde. »

Sa mère avait refusé de le placer et décidé de le sauver en se servant de sa seule arme, son amour pour lui. Elle nous le raconte dans son roman

« Le petit prince cannibale » publié en 1990 chez Actes Sud et lauréat du Prix Goncourt des Lycéens en 1990.

Dans la postface du roman de son fils « L’Empereur, c’est moi », Françoise Lefèvre écrit :

« Trente ans ont passé. Aujourd’hui Hugo, c’est toi qui écris. C’est moi qui te lis. »

Un duo de romans bienfaisants car il s’agit ici de récits témoignages d’une aventure humaine qui parle de la différence et du courage de la surmonter.

Je vous invite à regarder l’interview de l’auteur Hugo Horiot au sujet de son roman

LA DIFFERENCE QUI TUE « Le Parfum » de Patrick Süskind

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« Le Parfum » de Patrick Süskind

Dans la catégorie des romans classiques pouvant s’avérer bienfaisants, je n’hésite pas à vous parler de l’oeuvre littéraire écrite par l’écrivain et scénariste allemand Patrick Süskind en 1985 sous le titre  « Das Parfum, Die Geschichte eines Mörders ». Le roman qui connut un succès international fut traduit en français par Bernard Lortholary en 1986. Il fut également adapté au cinéma en 2006.

Ce récit poignant relate la vie d’un personnage pour le moins « différent » des autres.  Né au 18ème siècle dans une ruelle de Paris, sous un étal de poissons,  « à l’endroit le plus puant de tout le royaume« ,  Jean-Baptiste Grenouille n’est pas un enfant désiré ni aimé,…c’est aussi un être sans odeur…. Paradoxalement, il dispose d’un don exceptionnel, un sens olfactif particulièrement développé qu’il va vouloir maîtriser à la perfection pour devenir le Dieu tout-puissant de l’univers, car

« Qui maîtrisait les odeurs, maîtrisait le coeur des hommes« ….

Cette histoire inoubliable et par moment assez cocasse exerce une fascination  morbide sur le lecteur. On finit par s’attacher au destin du protagoniste, et ceci malgré les atrocités et meurtres commis par ce dernier pour s’emparer des effluves humaines les plus suaves et produire des parfums ensorcelants.

« Il tenait dans le creux de sa main un pouvoir plus fort que les pouvoirs de l’argent, ou que le pouvoir de la terreur, ou que le pouvoir de la mort : le pouvoir invincible d’inspirer l’amour aux hommes »

On retiendra surtout ici que l’être esseulé qu’est Jean-Baptiste Grenouille a développé un côté monstrueux en raison de sa différence et de son besoin inassouvi de reconnaissance et d’amour. On ne manquera donc pas de se poser la question « N’aurait-il pas agi autrement s’il avait été accepté et aimé par ses prochains ? »

J’ajoute enfin que si ce roman incite à plus de tolérance vis-à-vis de la différence chez autrui et évite ainsi de tragiques dérives, alors il figure certainement en bonne position au palmarès des ouvrages bienfaisants…

ROMAN ANTI-STRESS : « Quelque chose en lui de Bartleby » de Philippe Delerm

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« Quelque chose en lui de Bartleby » de Philippe Delerm

paru aux éditions Folio, raconte l’histoire d’un employé de la poste, discret, modeste et solitaire. L’auteur le compare dans son titre à Bartleby, le personnage du roman de Herman Melville qui préférait toujours rester en retrait.

Ici aussi, contrairement à ses contemporains, Arnold Spitzweg, homme effacé, enclin à la « paresse dégustée » ne revendique aucun exploit ni aucune ambition.

Il aime les petits plaisirs simples comme prendre un café en terrasse en lisant le journal, flâner et pique-niquer aux abords de la Seine. Le fait de voyager, d’être riche et connu, d’avoir une vie sociale et professionnelle trépidante ne l’intéresse nullement.

J’aime être seul, c’est vrai. J’aime surtout pouvoir accueillir les choses. Devenir les choses. Même une lézarde ou un bout de papier peint qui se décolle. Il me faut de la lenteur et du silence, le moins possible d’horaires programmés.

Un jour, Spitzweg décide de créer son propre blog où il va livrer sa façon de voir les choses et glorifier la flânerie et la contemplation.

Monsieur Spitzweg se garda bien dans un premier temps d’évoquer sa seule motivation réelle. Elle portait l’étrange nom de blog. La première fois qu’il entendit ce mot, Arnold haussa les épaules. Cela sonnait comme une espèce de borborygme scandinave, moitié blizzard et moitié grog.

De façon inattendue, son blog remporte un grand succès auprès des internautes. Il va devoir gérer cette subite notoriété qui s’inscrit à l’encontre de tous ses principes…

Arnold ne réfléchit jamais à son propre sujet. Il traverse les jours, à la surface. Il voudrait qu’on l’oublie, devenir transparent. Il voudrait s’oublier lui-même, traverser le temps et l’espace sans rien changer, sans déranger personne.

La lecture de ce roman de 161 pages est très agréable. On déguste sereinement cette histoire qui fait l’apologie du plaisir de voir le temps passer en plein centre de Paris, à l’époque estivale.

Vous trouverez une copie de l’article que j’ai écrit à son sujet en cliquant sur Delerm

 Un roman qui fait du bien ?

A l’époque où le stress règne en maître, n’est-il pas bon de se plonger dans l’esprit de quelqu’un qui a décidé de vivre paisiblement sans se soucier de son image ?

A vous de voir ce que vous en pensez….

 

 

ON PEUT VIVRE PLUS D’UNE VIE « Le manoir de Tyneford » de Natasha Solomons

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« Le manoir de Tyneford » de Natasha Solomons

Ce roman paru aux éditions Calmann-Lévy en 2012 est maintenant également publié par Le livre de Poche et fait partie de la sélection du prix des lecteurs 2014.

L’histoire racontée par la narratrice débute à Vienne, juste avant la seconde guerre mondiale. Juive autrichienne de 19 ans, originaire d’un milieu aisé, Elise est envoyée pour des raisons de sécurité en Angleterre.  Elle doit quitter sa famille, son rang social pour entrer en tant que domestique au service d’une grande propriété du Dorset, à Tyneford.

Le changement est brutal, elle doit petit à petit faire le deuil de sa vie choyée et entourée par l’affection des siens à mesure que la guerre éclate et que les interdictions restreignent de plus en plus la liberté des Juifs d’Europe. Malgré tout, elle réapprend à vivre dans son nouveau milieu, à s’attacher à d’autres personnes, à reconstruire une nouvelle vie. Son parcours sera ponctué de séparations et de deuils, mais la vie (avec son lot de joies et de peines) reprend toujours sur de nouvelles bases.

Ce roman me semble tout à fait adapté aux personnes qui sont confrontées à des situations de deuil, non seulement le deuil face à la perte de personnes proches, mais également le deuil dans son sens le plus large, à savoir la perte de certaines habitudes de vie qui semblent pourtant éternelles.

« Mais la guerre gronde et le monde change. Elise aussi doit changer. C’est à Tyneford pourtant qu’elle apprendra qu’on peut vivre plus d’une vie et aimer plus d’une fois«  (cfr quatrième de couverture Livre de Poche)

Chose supplémentaire non négligeable, « Le manoir de Tyneford » est un roman qui est très agréable à lire et ne manque pas de suspense.

Selon les notes de l’auteur,  le lieu-dit Tyneford a été inspiré par l’endroit protégé et l’histoire d’un village fantôme de Tyneham sur la côte de Dorset où le manoir élisabéthain était considéré comme l’un des plus beaux d’Angleterre.